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L'Architecture de bois et de terre de Moravie du Sud













 

C. L'emploi du bois et de la terre dans l'architecture populaire
L'emploi des matériaux a été déterminé par des conditions naturelles locales. On peut constater que la tendance a été de remplacer des matériaux combustibles et "souples" (bois et terre, chaume et bardeau) par des matériaux résistant au feu et durs (maçonnerie en pierre et briques cuites, toits en tuiles cuites ou ardoise. Mais ce processus a également signifié l'abandon des matériaux "chauds" au profit des "froids" ce qui est devenu possible seulement grâce aux systèmes de chauffage plus avancés.

La maison en terre était répandue dans telles régions ou peu de forets et un manque de pierre a limité le choix du matériau de construction à l'argile, la paille et l'osier. Il s'agissait surtout des régions situées autour des cours inférieurs des rivières - la plaine fertile de la Morava et de ses confluents.

La terre a été employée de quatre manières différentes: La plus primitive était la construction "chargée" (nakládaná) -technique de mur monolithique-, appelée "lepenice". Elle se construisait comme un nid: la terre mélangée aux déchets de céréales et à la paille se plaçait en couches directement pour constituer le mur. Pour obtenir une meilleure cohérence et pour que le mur ne craque pas, la terre était combinée avec de l'osier et des petits cailloux. Cette maçonnerie séchait pendant un à deux ans. Ensuite, on pouvait la façonner à l'aide d'une hache de la manière voulue, ouvrir les fenêtres et les portes, dresser la charpente et enduire les murs avec un enduit de terre.

Pour la construction "remplie" (nabíjená), de type pisé, on mettait de la terre dans un coffrage coulissant, la suite de la technique était semblable.

On employait également une technique connue des constructions romaines comme "opus spicatum" où de grands "rouleaux" en terre étaient tressés pour constituer un mur en forme d'épi. La longueur des rouleaux était de 30 cm, leur diamètre faisait autour de 15 cm. On en posait trois l'un à coté de l'autre en plaçant d'abord les latéraux pour finir avec celui du milieu. Le mur final était épais d'une cinquantaine de centimètres.

Le dernier exemple était celui de la brique crue, séchée au soleil, appelée "vepovice". Le terme tchèque fait référence aux poils de soies de cochon que l'on ajoutait à l'argile. Les briques étaient réunies à l'aide du mortier d'argile; le mur finissait par recevoir un enduit en terre ou à la chaux.

Dans les régions des maisons en terre on employait de la paille ou des roseaux comme recouvrement de toits. Les chaumes s'attachaient en couches sur les lattes de sorte qu'ils dépassent d'un tiers. Une épaisse couche de ce recouvrement, coupée au niveau des gouttières donnaient à la toiture une allure massive et lourde.

Malgré le caractère ancien de ce principe de construction la question de l'emploi de la terre dans l'architecture populaire morave n'a pas été résolue d'une manière satisfaisante jusqu'à nos jours. Les plus anciens bâtiments en terre documentés datent du XVIIIe et XIXe siècles. Selon les sources contemporaines il semble que cette technique a été précédée par l'emploi de la terre surtout en tant que matériau complémentaire au tressage, éventuellement en combinaison avec un autre type de matériau (bois, pierres) et que les bâtisses en terre ont été combinées avec des constructions en poutres. Il est tout de même utile de rappeler que la fonction de protection et d'isolement de la terre était très importante, à cette époque le torchis constituant une grande partie du volume de la construction entière.

A l'heure actuelle, alors que l'usage des enduits à la chaux ou au ciment est généralisé, il est possible de voir uniquement un seul des exemples décrits. On peut repérer de la brique crue dans beaucoup de bâtiments anciens et en général abimés en Moravie du sud-est.

Briques crues (Senetarov)

© O.Jurion

Briques crues (Senetarov)

© O.Jurion

Briques crues (destruction naturelle) Senetarov

© O.Jurion

Dans les région de la Slovaquie morave et de Haná on peut toujours trouver plusieurs maisons dans chaque village où ce matériau est apparent. Dans le reste des maisons on ne peut que supposer l'existence d'un noyau en terre, assez souvent disparu lors des reconstructions multiples.

Le bois a été employé en Europe centrale également de quatre manières différentes. La construction en colombage profitant du bois court et tordu des arbres feuillus n'a pénétré sur le territoire de la Bohême et de la Moravie qu'en partie, notamment en Bohême de nord-ouest, influencée par la culture allemande voisine.

L'assemblage en "rainures" appartient à un des types des plus anciens. Des poutres ou des planches épaisses étaient posées horizontalement de sorte que leurs bouts taillés s'encastrent dans la rainure creusée dans une colonnette en bois. Dans les Pays tchèques on n'utilisait ce type de construction que d'une manière complémentaire pour dresser par exemple des murs intérieurs, des annexes etc.

Assemblage en rondins. Remplissage torchis. Musée en plein air de Straznice

© H. Sklenarikova

La construction tressée représente un autre type ancien de construction. Elle était formée par une structure de pieux, remplie horizontalement ou verticalement par des branches et de l'osier. Les murs tressés des maisons s'enduisaient d'une épaisse couche de terre, mélangée à la paille et aux déchets de céréales, dans le cas des granges ils restaient en générale nus. Ce principe a été conservé surtout lors de la construction des clôtures.

Emploi de la construction tressée, aujourd'hui exceptionnelle. Siroky Dul (région Svitavy)

© H. Sklenarikova

L'assemblage en rondins était le plus répandu sur notre territoire. Les troncs des arbres conifères - sapins le plus souvent - au début non taillés - dépassaient les angles de l'édifice d'une manière considérable. Dans le temps, on ne travaillait pas les extrémités des troncs à l'aide d'une scie; après être simplement abattus à la hache, leur forme était plutôt irrégulière. Plus ou moins à partir du XVe siècle cette habitude disparait localement et se généralise sur la plupart du territoire que dans le courant des siècles postérieurs.

L'assemblage à mi-bois en queue d'aronde était à ce moment là le plus répandu. Les joints entre les poutres étaient remplis par des lattes au diamètre triangulaire, des chevilles en bois, éventuellement par de la mousse ou du torchis. Au XIXe siècle on a commencé à les chauler. Parfois les bâtiments entiers (à l'exception du pignon) étaient enduits d'argile et chaulés. On disait après qu'ils sont "en fourrure". Une attention particulière correspondait également à la protection de l'assemblage même. Dans les murs on injectait du sang de boeuf, mélangé plus tard à l'huile de lin et au suif, éventuellement au vernis.

Les toits des maisons en rondins étaient généralement en batière, dans les régions montagnardes elles étaient recouvertes de bardeaux, partout ailleurs de chaume. Se sont conservés également des toits à croupe et à demi-croupe, exceptionnellement mansardés. La richesse du constructeur se manifestait le plus dans la conception du pignon. Le principe de décoration partait de la construction de la charpente, soutenue par un double comble divisant le pignon en plusieurs surfaces. En composant des planches de manières différentes et à l'aide de la taille, celles-ci recevaient des motifs variés. Dans certaines régions de simples pignons en bois étaient mis en évidence par une sorte de croupe débordante de forme conique et par deux ou plusieurs rangées de bardeaux.

La construction des granges polygonales représente un exemple atypique de l'assemblage en rondins. Leur plan était en général pentagonal mais il pouvait disposer également de 14 côtés. Les flancs opposés étaient beaucoup plus longs que les autres - on y plaçait les portes. Les murs restants, très courts, portaient un haut toit en chaumes.

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